🆕 Quand Emmanuel Macron s’invite dans Pif Gadget : une interview inattendue !

Pif Gadget Emmanuel Macron

En pleine contestation de la rĂ©forme des retraites, Emmanuel Macron a donc choisi de s’exprimer dans
 « Pif, le mag », la version moderne du cĂ©lĂšbre magazine pour enfants. Autrefois dirigĂ©e par des proches du parti communiste, la revue possĂšde une riche histoire politique.

Une interview atypique pour Emmanuel Macron dans Pif, le mag

« Pouvez-vous quitter votre poste en plein mandat, et comment ça se passerait si vous le quittiez ? » Cette question n’a pas Ă©tĂ© posĂ©e Ă  Emmanuel Macron par un journaliste, mais par MĂ©lina, une Ă©lĂšve en classe de quatriĂšme, invitĂ©e par la revue pour enfants Pif, le mag Ă  interviewer le prĂ©sident de la RĂ©publique sur l’actualitĂ© du moment. Paru en kiosques dans le numĂ©ro de ce mercredi 29 mars, l’entretien avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© durant le mois de fĂ©vrier. L’échange avec les jeunes lecteurs du magazine intervient Ă  l’occasion du 75e anniversaire du mĂ©dia, qui a connu durant les annĂ©es 1970 et 1980 un important succĂšs auprĂšs de toute une gĂ©nĂ©ration.

Un choix Ă©tonnant : Emmanuel Macron s’exprime dans Pif, le mag

Le choix fait par l’équipe de communication de l’ÉlysĂ©e de laisser s’exprimer Emmanuel Macron dans ce mĂ©dia peut surprendre. Le PrĂ©sident s’était jusqu’alors contentĂ© d’une interview tĂ©lĂ©visĂ©e au JT de 13 heures de TF1 et de France 2 le 22 mars dernier comme seul passage mĂ©diatique depuis le dĂ©but de la mobilisation contre la rĂ©forme des retraites. Dans le contexte social explosif du moment, son interview dans Pif, le mag paraĂźt d’autant plus dĂ©calĂ©e, au vu de la longue proximitĂ© politique du magazine avec le Parti communiste français (PCF).

Pif Gadget : le magazine trĂšs politique

Pour comprendre ce que reprĂ©sentait Pif Gadget Ă  la fin des Trente Glorieuses, il faut avoir Ă  l’esprit les chiffres du tirage du magazine, parfois imprimĂ© jusqu’à un million d’exemplaires. DestinĂ© aux enfants, le journal est l’hĂ©ritier d’un autre titre, le magazine Vaillant, qui s’inscrivait lui-mĂȘme dans la tendance communiste. Au sein de cette revue, on suivait dĂ©jĂ  les aventures de Pif, un chien hĂ©ros d’une bande dessinĂ©e d’abord crĂ©Ă© en 1948 pour le journal L’HumanitĂ©, organe officiel du PCF. Vingt ans plus tard, en 1969, Pif Gadget naĂźt et prend la place de Vaillant dans les kiosques ; la proximitĂ© du journal avec le PCF, elle, n’est pas rompue.

Le choix fait par l’équipe de communication de l’ÉlysĂ©e de laisser s’exprimer Emmanuel Macron dans ce mĂ©dia peut surprendre. Le PrĂ©sident s’était jusqu’alors contentĂ© d’une interview tĂ©lĂ©visĂ©e au JT de 13 heures de TF1 et de France 2 le 22 mars dernier comme seul passage mĂ©diatique depuis le dĂ©but de la mobilisation contre la rĂ©forme des retraites. Dans le contexte social explosif du moment, son interview dans Pif, le mag paraĂźt d’autant plus dĂ©calĂ©e, au vu de la longue proximitĂ© politique du magazine avec le Parti communiste français (PCF).

Le journal est dĂšs l’origine associĂ© Ă  des groupes d’Ă©dition liĂ©s au parti de Georges Marchais, bien que le PCF n’en soit pas officiellement propriĂ©taire. « Cependant, les actionnaires de ces Ă©diteurs sont des membres du Parti communiste », prĂ©cise Ă  Marianne le chercheur MaĂ«l Rannou, qui a Ă©crit l’essai Pif Gadget et le Communisme, 1969-1993, un hebdomadaire de BD et ses liens avec le parti communiste français (PLG, 2022). Toutefois, dans les pages de l’hebdomadaire, ni d’interview de Georges Marchais, ni la retranscription des paroles de « L’Internationale » ne figurent : la promotion de l’idĂ©ologie communiste est en rĂ©alitĂ© beaucoup moins directe.

Outre le gadget offert Ă  chaque parution, Pif Gadget offre principalement dans ses pages une multitude de bandes dessinĂ©es. C’est en parcourant ces diffĂ©rentes sĂ©ries que l’on peut observer l’affinitĂ© singuliĂšre du journal avec les valeurs « communistes, dĂ©coloniales et internationalistes », relĂšve MaĂ«l Rannou. DĂšs 1970, la parution de la sĂ©rie Docteur Justice dans le magazine, racontant les aventures d’un justicier expert en arts martiaux, tĂ©moigne de cette perspective. « Docteur Justice est un hĂ©ros scientifique et internationaliste. Dans la BD, il se rend auprĂšs de peuples Ă©trangers et dĂ©nonce la corruption des puissants, de l’industrie pharmaceutique, des États qui dĂ©tournent l’argent contre les pauvres
 ComparĂ© aux discours de charitĂ© des revues d’inspiration catholique [publiĂ©es Ă  la mĂȘme Ă©poque], c’est un discours trĂšs fort. » D’autres bandes dessinĂ©es publiĂ©es dans Pif Gadget, telles que Cogan ou Masquerouge, contribueront Ă  soutenir cette idĂ©ologie au sein du magazine jusqu’Ă  sa premiĂšre disparition en 1993.

DĂ©fense d’une culture populaire

Le magazine valorise une culture populaire française, se distinguant de la ligne Ă©ditoriale amĂ©ricanisĂ©e du Journal de Mickey, un de ses concurrents de l’Ă©poque. À la diffĂ©rence d’autres publications jeunesse telles que Spirou, Pif Gadget est Ă©galement l’un des rares magazines Ă  proposer Ă  ses lecteurs des histoires complĂštes, sans nĂ©cessiter l’achat d’un nouveau numĂ©ro pour connaĂźtre le dĂ©nouement d’une intrigue. « Tout en rĂ©cits complets », promet d’ailleurs le slogan du magazine lors de son lancement.

Dans les quelques encarts rĂ©dactionnels du magazine, il arrive occasionnellement d’aborder des sujets plus sĂ©rieux : l’histoire, le travail, la science… Mais toujours Ă  hauteur d’enfant : « en 1989, pour le bicentenaire de la RĂ©volution française, Pif Gadget va revenir sur cet Ă©vĂ©nement historique pendant un an et demi et parler de ce qu’est l’oppression
 Mais toujours en prenant l’angle de la vie des enfants », explique MaĂ«l Rannou.

La renaissance de Pif Gadget sous la direction de Frédéric Lefebvre

Deux ans aprĂšs la fin de l’Union soviĂ©tique, alors que le mouvement communiste perdait de son influence dans l’opinion publique, Pif Gadget disparaĂźt une premiĂšre fois. Depuis les annĂ©es 2000, des personnes proches du journal L’HumanitĂ© ont essayĂ© Ă  plusieurs reprises de relancer le titre, sans grand succĂšs. Toutes ces tentatives se sont soldĂ©es par un nouvel Ă©chec, aprĂšs la publication de seulement quelques numĂ©ros. En fin d’annĂ©e 2020, une nouvelle version de Pif Gadget est de nouveau annoncĂ©e. À sa tĂȘte, un ancien responsable politique… du Parti communiste ? Non, pas du tout : le repreneur n’est autre que FrĂ©dĂ©ric Lefebvre, ancien secrĂ©taire d’État au Commerce sous Nicolas Sarkozy.

Pif Gadget : Un nouveau mag, mais pas au goût de tous

Fan de Pif Gadget lorsqu’il Ă©tait enfant, l’ex-ministre FrĂ©dĂ©ric Lefebvre expliquait en 2020 dans une interview publiĂ©e sur le site Entreprendre.fr vouloir « mener un triple combat ». « DĂ©fendre notre planĂšte, promouvoir une action solidaire et soutenir la cause animale », voilĂ  donc selon lui les trois valeurs dĂ©fendues dans ce Pif Gadget modernisĂ© sous le nom de Pif, le mag. Une nouvelle formule « qui ne plaira pas Ă  tout le monde », avait prĂ©venu FrĂ©dĂ©ric Lefebvre. Il n’avait pas tort : la mĂȘme annĂ©e, Claude Gendrot, ancien rĂ©dacteur en chef de Pif Gadget, regrettait dans Le Monde un projet qui « touche le fond ». « J’y vois mĂȘme une maniĂšre de trahison », expliquait celui qui Ă©tait responsable du cĂ©lĂšbre journal entre 1972 et 1980. « Pour relancer l’aventure, il faudrait lui donner du sens et, d’abord, rĂ©flĂ©chir Ă  ce qu’elle reprĂ©sentait en termes de crĂ©ation. » Pas sĂ»r que l’entretien avec Emmanuel Macron, prĂ©sident libĂ©ral, dans un journal que les familles bourgeoises n’achetaient pas Ă  leurs enfants parce que marquĂ© au fer « rouge » aille dans le « sens » que Gendrot souhaitait.

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